Cet article est une présentation de GoPyrate
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J’ai récemment monté une conférence pour un événement privé. Suite à une semaine de l’innovation, l’entreprise souhaitait faire en sorte que la mentalité d’innovation continue pour le reste de l’année, et a retenu nos services de conférenciers. Voici donc un résumé de notre conférence.
Le savoir-être au service de l’innovation
L’innovation n’est pas un objectif. Difficile de le mesurer. « Notre niveau d’innovation a augmenté de 39% ce trimestre », ça n’existe pas. Bien que des équipes puissent être dédiées à l’innovation, comme les équipes d’intrapreneurs, par exemple, ce n’est pas non plus une expertise qu’on retrouve sur un CV. Il n’y a pas de certificat en innovation, à ce que je sache.
L’innovation est une mentalité. Ce sont des réflexes pouvant être mis à profit, en utilisant notre savoir-faire, qui est commun, et le savoir-être, qui est un peu moins commun. C’est à dire que nous avons souvent l’expertise technique pour innover, mais rarement les réflexes mentaux pour le faire. Il existe des outils technologiques permettant des innovations tangibles, nous les utilisons tous les jours. Il existe également des outils – autant pratiques que conceptuels – pour favoriser une mentalité d’innovation.
À la lumière de cela, on peut dire que l’innovation est une culture, ou, du moins, demande une certaine culture pour arriver. Nous avons identifié 4 points essentiels à l’adoption d’une mentalité d’innovation qui durera dans le temps : le pouvoir d’agir, le leadership d’intention, le pouvoir d’influence, et la capacité à changer des idées intangibles en projets tangibles en expérimentant.
Une culture favorisant l’agentivité
L’agentivité est la capacité de quelqu’un de pouvoir délibérément affecter son environnement. En gros, c’est notre pouvoir d’agir, de faire des actions volontaires. Lorsque quelqu’un décide de faire la vaisselle parce qu’il y a trop de vaisselle sale dans son évier, cette personne fait preuve d’agentivité. Elle a pris une action délibérée pour améliorer son environnement. C’est un comportement inné chez les humains. Cependant, le milieu de travail est l’un des seuls endroits où cette configuration naturelle est programmée pour être désactivée par défaut. Au travail, nous demandons la permission de prendre action.
L’agentivité n’est pas la même chose que l’empowerment (ou responsabilisation). L’empowerment a ses limites, et montre plusieurs différences avec l’agentivité.
- L’empowerment est une permission donnée par une autre personne d’un rang hiérarchique plus élevé. L’agentivité est innée, c’est une mentalité dont tous et chacun est capable, et est délibérée.
- L’empowerment peut être retirée par votre supérieur, par la haute direction, et n’importe qui entre les deux. L’agentivité étant une mentalité, est permanente et ne peut être retirée.
- L’empowerment perpétue le statut des followers. L’agentivité permet la création de nouveaux leaders.
- L’empowerment fonctionne tant qu’on respecte la structure en place. L’agentivité fonctionne tant qu’il y a une volonté.
Pour plus d’informations sur le sujet, j’ai écrit un article intitulé L’empowerment n’est pas assez, priorisez l’agentivité.
Une culture de leadership d’intention et de relations leader-leader
Les gens se comportent de la façon dont on les traite. Avez-vous déjà entendu un gestionnaire s’écrier « C’est une vraie maternelle ici! »? Je vous garantis que ce gars-là traite ses pairs comme des enfants d’école.
David Marquet, cependant, a tenté le contraire. Il venait de recevoir son grade de capitaine pour le sous-marin USS Sante Fe. Il devait composer avec le pire équipage de la marine américaine. Il a cessé de donner des ordres, et a commencé à indiquer à son équipage ce qu’il avait l’intention d’accomplir, pour ensuite les laisser décider du meilleur moyen d’y arriver. On appelle cela le leadership d’intention. En faisant cela, non seulement il a cessé de traiter ses pairs comme des soldats ou des exécutants, mais il a commencé à considérer leur expertise, leur intelligence collective et leur jugement. Il a cessé de les traiter comme des followers, et a commencé à les traiter comme des leaders.
Au final, son équipage a récolté lors des évaluations le plus haut score de l’histoire, toutes armées confondues. En moyenne, dans un sous-marin contenant un équipage de 30 personnes, environ 1 ou 2 marins devient éventuellement capitaine à son tour. Dans l’équipage du capitaine Marquet, 9 personnes sont devenus capitaines. D’autres capitaines ont commencé à visiter son sous-marin pour apprendre comment réaliser un tel accomplissement. Ce gars a réussi à créer une usine à leaders dans un sous-marin nucléaire, rien de moins. C’est l’histoire que je préfère raconter le plus, l’ayant essayé moi-même en entreprise, avec des résultats très impressionnants. J’ai également rédigé un article sur le sujet, intitulé L’impact colossal des relations leader-leader.
À noter que les relations leader-leader ne vont pas seulement de haut en bas mais aussi de bas en haut et à l’horizontale. On peut traiter notre patron de la façon dont on aimerait qu’il se comporte, et il en va de même pour les collègues de travail.
Une culture qui amène les gens à développer leur influence
Ce n’est pas tout le monde qui sait demander quelque chose convenablement. Dans 16 ans, mon fils me demandera probablement la permission d’utiliser ma voiture de cette façon « Hey p’pa, donne-moi les clés de ton char » (ou « de ta bagnole », si vous n’êtes pas du Québec), et ce sera avec plaisir que je lui refuserai par principe, parce que ce n’est pas comme ça qu’on demande quelque chose.
Alors, mes collègues et moi avons conçu un processus en 3 étapes simples que nous aimons appeler « Comment convaincre n’importe qui de n’importe quoi« . Cela fait très souvent peur aux gestionnaires, et au final, ils finissent par nous remercier car cela va leur sauver 1 à 2 jours de travail par semaine.
Si quelqu’un doit innover, il doit être capable d’expliquer pourquoi il le ferait. Une entreprise ne financera pas toutes les idées qui viennent à la tête des gens. En fait, la plupart des compagnies ne s’intéresseront pas aux idées des gens tant qu’elles ne pourront pas y attacher un signe de dollar. Alors voyons comment nous pouvons améliorer cela. C’est bon autant pour les gestionnaires que pour les employés. Il y a 3 étapes :
1. Assurez-vous que votre idée s’insère dans leur programme
Tout le monde a un programme, spécialement les gens haut placés en entreprise. Ils ont des objectifs à atteindre, des aspirations, et des indicateurs de performance. Ils ont aussi un pistolet sur la tempe (figurativement parlant) qui est brandi par quelqu’un plus haut qu’eux. Si vous voulez les convaincre de quelque chose, vous devrez faire preuve d’empathie et essayer de comprendre de quoi EUX ont besoin pour réussir. Si vous leur proposez quelque chose de diamétralement opposé à la direction où ils vont, il est presque garanti que vous aurez un non. Donc, en gros, vous devez voir comment l’idée que vous tentez de vendre aide votre gestionnaire à réussir.
2. Faites le travail pour eux
Je sais, je sais. Ça signifie d’avoir à travailler pour avoir ce que l’on veut. Ce que nous voulons dire ici, c’est : donnez-leur toute l’information qu’ils ont besoin pour prendre la bonne décision. S’ils n’ont pas l’information, ils ne peuvent prendre cette décision. Ils ont des choses à faire, ils sont occupés, et ont un pistolet sur la tempe. Aller trouver de l’information permettant d’appuyer votre demande est dans le bas de leur priorités.
Il existe tout plein d’information que vous pouvez leur fournir : les coûts, le retour sur l’investissement (tangible, comme l’argent, ou moins tangible, en parlant de d’autres avantages comme l’augmentation de la rétention, de l’engagement, etc), des comparaisons avec ce que fait la compétition, etc.
Un moyen rapide et efficace d’aller chercher cette information est de remplir un Business Model Canvas. En voici une version simplifiée que nous avons créé pour récolter les données importantes lorsque vient le temps de vendre ses idées. Cela prend 30 minutes à remplir, vous pouvez le faire avec vos collègues, et cela vous permet de vous poser les bonnes questions, surtout celles qu’on oublie souvent.
Problème : Quel est le problème que votre idée règle?
Pourquoi? : Pourquoi ce problème doit-il être réglé?
Segment client : Qui est-ce que cette solution affectera? Pour qui résolvez-vous un problème? (Clients, autre départements, autres équipes, usagers)
Canaux de diffusion : Par quels moyens allez vous mettre en place votre solution, communiquer sa valeur?
Solution : Un résumé de la solution que vous proposez
Structure de coûts : Quels seront les coûts? Qu’est-ce qui coûtera quoi?
Indicateurs clés : Que doit-on mesurer pour savoir si l’idée sera un succès? (Ex : Nb de visites, nb d’utilisateurs, traffic, satisfaction client)
Retour sur l’investissement : Une projection des avantages et retombées de la mise en place de votre idée. (Ex : Augmentation de la satisfaction client, augmentation des ventes, augmentation des revenus de 3% à 6%, réduction de la charge de travail, sauver 1h par jour pour les employés)
En gros, faites en sorte que la seule chose que les gens que vous souhaites convaincre aient à faire soit d’accepter et de signer. Ne leur donnez pas le fardeau d’avoir à faire le travail pour vous. Et même si votre gestionnaire a besoin d’une approbation provenant de plus haut, vous lui aurez donné tous les arguments dont il a besoin pour convaincre son propre patron.
3. Faites en sorte que ce soit plus facile de dire OUI que de dire NON
Ou, l’alternative à ce titre, faites en sorte que ce soit complètement idiot de dire non. Le but est de mettre de l’avant ce qu’il en coûterait de ne PAS dire oui. Soulevez tous les risques imaginables à ne pas mettre en place votre idée, rendez-les visibles, et connues de tous. Vous pouvez même créer un tableau de risques avec votre équipe ou votre département. Et lorsque vous ferez votre demande, avec toute votre information du retour sur l’investissement, donnez-leur aussi tous les risques de ne pas le faire. Des risques qui sont connus de tous.
À ce point-là, si les risques sont plus élevés que les coûts, il est fort probable que vous aurez un feu vert pour aller de l’avant avec votre innovation ou votre changement. Il est toujours possible que la réponse soit non. Mais si l’un des risques soulevés devient réalité, vous pourrez toujours dire à votre patron « Nous te l’avions dit ».
Encourager les petites expériences contrôlées
La plupart des entreprises sont allergiques au chaos et à l’incertitude. Elles veulent être CERTAINES, avant de prendre une décision, qu’il s’agit de la bonne décision. Le problème, c’est qu’aucune analyse ou étude exhaustive ne fournit autant de données qu’essayer quelque chose.
Alors, si vous avez presque convaincu votre patron de faire arriver votre idée, mais qu’il est encore hésitant, parce que ça pourrait être risqué et nous ne sommes certains de rien (et en plus, pistolet sur la tempe), offrez-lui de faire une petite expérience contrôlée.
Les deux avantages principaux de ces expériences c’est qu’elles permettent de valider vos hypothèses, et de tester vos suppositions les plus risquées.
PETITE : À petite échelle. Une expérience peut être faite sur un petit groupe d’usagers, sur une petite équipe. En technologie, on peut créer un prototype sur un serveur local avec une base de donnée partielle, par exemple.
CONTRÔLÉE : Une expérience est contrôlée lorsqu’elle a une limite de temps, des critères de succès, et une liste de choses que vous souhaitez vérifier.
Lorsque l’expérience est terminée et que vous avez amassé assez de données, il y a 3 chemins possibles :
- On arrête tout, nous avions tort. C’est une bonne chose que nous n’ayons pas continué, et nous n’avons pas perdu une tonne d’argent sur ce projet.
- On arrête tout, et on passe à l’implémentation globale, car nous avions raison et nos suppositions ont été validées.
- On fait une autre expérience contrôlée pour amasser des données supplémentaires et/ou vérifier d’autres suppositions.
Conclusion
Une entreprise qui peut s’approprier ces 4 mentalités n’a pas d’excuse pour ne pas changer, s’améliorer et innover. Une équipe maîtrisant ces 4 mentalités naturellement a les qualités nécessaires pour être une équipe d’intrapreneurs. Elle pourrait vous aider à innover là où votre compétition ne le fait pas. Mais dépêchez-vous. Votre compétition innove probablement déjà.
Chez GoPyrate!, nous offrons des ateliers pour aider les équipes à acquérir ces réflexes et mentalités, et nous offrons des outils pratiques pour les appuyer. Si vous êtes curieux d’explorer davantage, procurez-vous notre Trousse de survie pour un milieu de travail moderne. N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez une conférence sur le sujet dans votre organisation!
Propriétaire de Primos Populi, partenaire et coach chez Moabi. En tant qu’ancien gestionnaire, je préconise l’approche “les gens d’abord, et le reste suivra”. Mes sujets de prédilection sont la culture organisationnelle, le droit à l’erreur et l’abaissement du centre de gravité du pouvoir décisionnel. Je cultive l’épanouissement des gens.