Changer d'emploi : pas de quoi se rendre malade

Changer d'emploi : pas de quoi se rendre malade

Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes un lundi, et j’ai vu passer beaucoup de contenu se rapportant à la santé mentale au travail sur LinkedIn. À force de rédiger des commentaires, il m’est venu à l’idée d’écrire cet article. Le premier de l’année 2020, et le premier depuis Octobre 2019. 

J’ai une histoire à vous raconter, qui sera entrecoupée de réflexions. 

Le diagnostic complet

C’était il y a quelques années. J’étais très déçu de mon environnement de travail. J’avais décidé que je serais un agent de changement positif dans mon poste, mais l’entreprise pour laquelle je travaillais était devenue imperméable à mon influence. Comme le dirait mon partenaire Maurice, j’avais réveillé le système immunitaire de mon organisation, et mes tentatives de faire changer les choses tombaient systématiquement à l’eau. 

“Qu’à cela ne tienne”, me dis-je, “je n’ai qu’à trouver un emploi dans une entreprise qui a envie  de faire les choses différemment et qui serait prête à me payer pour ça!”

Et bien honnêtement, ça été beaucoup plus facile que je l’aurais pensé, en fait, c’est même cette position qui est venue à moi sans que j’aie à chercher. J’ai été chanceux. Ou encore, j’ai simplement été visible et présent au bon moment, au bon endroit. 

Pour des raisons hors de mon contrôle (et plus ou moins hors du contrôle de la compagnie qui me convoitait), ça a pris plusieurs semaines avant d’avoir une offre (ou un refus), mais ça, j’avais été averti. 

Symptôme 1 : Je savais que je devais quitter

Moi, au moins, je savais que je devais quitter. Beaucoup de gens se posent la (ou les) questions très souvent, et très longtemps. 

Devrais-je quitter? Est-ce que ce sera vraiment mieux? Et si je me trompe? Et si ça ne fonctionne pas? Et si c’était un mauvais choix? Est-ce que je vais devoir recommencer et chercher un nouveau travail? Vais-je pouvoir revenir à mon ancien poste si ça ne fonctionne pas? Est-ce que je serai vraiment plus heureuse? Et si je n’étais pas bon dans ce nouveau poste?

Ce sont des questionnements qui sont légitimes. Ce sont les mauvaises questions (voir des alternatives à la fin de l’article), mais elles sont tout de même légitimes. Certaines personnes vont aller jusqu’à rationaliser à outrance pour savoir s’ils devraient réellement changer d’emploi (je l’ai déjà fait). Des tableaux comparatifs, on met nos critères par ordre d’importance, on donne des scores à notre emploi actuel et à l’emploi proposé, on pèse le pour et le contre. 

Déjà, le fait de tenir de telles activités en dit long, je crois. Si vous en êtes rendus là, c’est que vous doutez. Si vous doutez, c’est que quelque chose ne tourne pas rond. Mon partenaire a déjà exprimé dans un article sur l’antigragilité que la rationalisation a lieu lorsque vous tentez de vous convaincre de quelque chose que vous savez être inadéquat. Si vous essayez de vous convaincre de garder ou quitter votre emploi, il y a de bonnes chances que quelque chose cloche au départ.

Je veux dire par là que votre emploi actuel, s’il vous satisfaisait pleinement, vous ne vous poseriez probablement pas ces questions. Ça veut pas dire de ne pas “regarder ce qu’il y a sur le menu”, mais carrément considérer de changer d’emploi, ça ne trompe pas tellement, je pense. Ça ne veut pas dire de sauter pieds joints sur l’opportunité et de dire “OUI”, mais simplement d’admettre que quelque chose vous manque.

Au fait, si vos questionnements sont tout à fait légitimes, ne faisons pas semblant : personne n’a les réponses à vos questions, pas même votre potentiel futur employeur. Je recommande donc de simplement investir cette énergie dans d’autres activité ne s’apparentant pas à essayer de prédire l’avenir ou de contrôler le chaos de la vie. Le seul moyen que vous avez de récolter ces réponses est de faire le grand saut. Mieux vaut regretter de l’avoir fait que d’être passé à côté de l’opportunité.

À moins, évidemment, de vous poser des questions pour lesquelles vous avez accès aux réponses.

Symptôme 2 : Le tremblement de terre émotif

Ma décision est prise, et vient le temps de devoir annoncer cela à mon employeur. Comme la date de début de mon nouvel emploi n’était pas tellement proche, ça me donnait une semaine ou deux pour faire l’annonce. 

Pas facile. Vraiment pas facile. Voyez-vous, je quittais mon emploi pour pouvoir faire une différence au niveau de la façon dont les gens sont traités dans leur quotidien au travail, et pour faire ça, je devais abandonner mes deux équipes qui étaient vraiment dans une situation peu enviable. Ça n’allait pas bien dans ces équipes. 

Aux lecteurs(trices) qui ne me connaissent pas personnellement, sachez que je suis quelqu’un qui a beaucoup de difficulté à vivre en contradiction avec ses propres valeurs. C’est tout simplement intolérable pour moi. Comme on le verra, ça me rend malade. 

Donc vous imaginez que d’abandonner mes collègues à leur sort pour aller “changer le monde du travail” a créé un clash de valeurs qui a pris des proportions inégalées. Mais ma décision était prise, et je devais annoncer cette nouvelle, et plus le temps passait, plus je devais prendre cette responsabilité en main. Et moins je souhaitais le faire.

Alors, un soir, je m’en rappelle comme si c’était hier, j’étais en train de faire un casse-tête en écoutant de la musique de Star Wars. Et tout à coup : ouch. Une douleur en plein milieu du sternum. Exactement le genre de douleur qu’on ne veut pas avoir, à un endroit où on ne veut jamais l’avoir. J’ai bu un verre d’eau, et c’est passé. Mais je n’ai pas vraiment pu faire comme si ça n’était pas arrivé. 

À l’hôpital, on m’a fait passer un ECG (électrocardiogramme) et des prises de sang. “Tout est beau”. On me renvoie chez moi, et on me fait promettre de prendre rendez-vous avec un cardiologue. 

Le cardiologue me fait passer un ECG également, et m’envoie à l’Institut de Cardiologie de Montréal passer un test à l’effort sur tapis roulant. Encore là, tout est normal. 

“Avez-vous eu des périodes de stress causées par un dilemme émotif, ou avez-vous eu une décision très difficile à prendre, récemment?”. 

J’imagine que vous connaissez ma réponse…

Et tout cela pour pas grand chose

Je ne dis pas que mon angoisse et mon malaise n’étaient pas légitimes, loin de là. Mais au final, annoncer mon départ à mon employeur et à mes collègues a été pas mal moins difficile que je ne le croyais. “Je suis pas surpris”, “Enfin!”, “Va changer le monde!” qu’on m’a dit. Sauf mon patron. Lui, il ne l’a pas vu venir. Pourtant…

Et en fin de compte, dans mon nouveau travail, ça a été clair et net après 2 semaines : ça valait vraiment la peine d’avoir accepté. C’était même évident, une fois les deux pieds dedans, que c’était un no-brainer

Mes anciens collègues ont presque tous quitté l’entreprise en question quelques mois plus tard, de toute façon. Dans mon nouvel emploi, j’ai fait ce que j’avais à faire pendant 1 an, avant de leur annoncer, avec beaucoup moins d’angoisse et de stress, que je partais rejoindre des amis dans leurs aventures, et que je serais dorénavant consultant et entrepreneur. 

Ne pas faire les mêmes erreurs

Je n’écris pas cela pour le plaisir de m’ouvrir à vous. Remarquez, je ne cache pas non plus cette histoire, et j’aime bien la raconter à qui veut l’entendre. Mais je l’écris publiquement en espérant que pas trop de gens ne suivent mes traces dans une aventure comparable.  

J’ai appris plusieurs choses dans cette histoire : 

  • Aucun employeur et aucun emploi ne méritent qu’on se rende malade pour eux
  • Si une entreprise ne peut pas survivre sans vous, eh, elle ne mérite peut-être pas d’exister.
  • Plus on fait quelque chose souvent, moins c’est difficile et douloureux. 
  • Bien sûr, un employé qui part, ça peut être triste et décevant, mais dites-vous que ces entreprises que vous hésitez à quitter ne se retrouveraient pas à l’Institut de Cardiologie pour passer un test à l’effort suite à des douleurs thoraciques en se demandant s’ils doivent vous laisser aller ou pas. C’est “une décision d’affaire” souvent. Eh bien l’annonce de votre départ est également une décision d’affaire, rien de plus. 

Vous êtes dans une situation semblable?

Je disais plus haut que la plupart des questions qu’on se pose reviennent à tenter de prédire l’avenir. Évidemment, cela n’est pas très pragmatique.

Cependant, l’une des publications LinkedIn qui m’ont inspiré à rédiger cet article donne d’excellents trucs pour vous aider à savoir si vous faites le bon choix. Pas en prédisant l’avenir, mais en assurant un alignement avec vos valeurs et vos aspirations.

Dans la publication en question, Annie-Claude Pineault, qui est coach en transition professionnelle, suggère une liste de question auxquelles vous pouvez répondre si vous considérez changer d’emploi. Ces questions apporteront beaucoup plus de réponses que celles que tous se posent et que j’ai énuméré plus tôt. Dans ma propre certitude, peut-être aurais-je pu éviter de me faire autant de mouron si j’avais eu cette liste de questions à portée de main. 

Voici ces questions : 

  1. Comment cette opportunité vous rapproche de votre vie de rêve  ? 
  2. Quel est son lien avec vos priorités ? 
  3. Respecte-t-elle vos valeurs ?
  4. Comment se marie-t-elle avec votre environnement, votre train de vie ? 
  5. À quel besoin ce changement vient-il répondre ?
  6. Comment pourriez-vous en apprendre plus sur les tâches et les possibilités offertes ?

Ce sont des questions simples qui vous éviteront peut-être de rationaliser à outrance, d’essayer de trouver des réponses à des questions auxquelles personne ne peut répondre, et à essayer en vain d’avoir un contrôle définitif sur votre avenir (ce qui est, avouons-le, contreproductif. Il y a beaucoup trop de variables dans la vie pour avoir un réel contrôle sur quoi que ce soit). 

Je vous souhaite la meilleure des chances dans votre nouvel emploi! Cassez la baraque!

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Changer d'emploi : pas de quoi se rendre malade
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Changer d'emploi : pas de quoi se rendre malade
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On parle beaucoup de santé mentale au travail, et parfois c'est au point où on se rend malade physiquement. Voici un témoignage d'une situation pour laquelle il ne vallait vraiment pas la peine de se rendre malade.
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