J’ai récemment été contacté par Valérie Forget pour assister à l’événement de cloture d’un laboratoire d’été dont je ne connaissais pas l’existance. Le lab porte le nom de : AI For Social Good Summer Lab. Il s’agit d’une initiative de la fondation OSMO, du Reasoning and Learning Lab de l’Université McGill, de l’Institut des Algorithmes d’apprentissage de Montréal et de DeepMind.
Dans ce laboratoire d’été, 30 étudiantes passaient 6 semaines à apprendre les rouages de l’apprentissage machine (machine learning), des techniques de design et du développement de prototypage.
Pourquoi ai-je accepté?
Il m’a fait plaisir d’accepter l’invitation pour plusieurs raisons. D’abord, je ne m’y connais pas trop en intelligence artificielle, mais surtout, cette série d’événements servait à explorer les diverses opportunités pour les individus largement sous-représentés dans le secteur technologique.
Dans mon rôle de gestionnaire de développement logiciel actuel, je suis assez bien placé pour savoir que les femmes manquent encore dans le domaine. Dans mon département, nous avons 4 femmes sur environ 25 personnes, et encore, c’est plus que ce à quoi j’ai été habitué par le passé. Et ce n’est pas parce qu’on essaie pas d’embaucher des femmes.
De plus, l’un des sponsors ayant présenté l’activité de cloture nous informait que contrairement à d’autre pays, ou l’IA est subventionnée pour l’industrie et l’armée, le Canada le finance plutôt pour trouver un moyen de mieux servir la société. L’intelligence artificielle au service des gens. C’est entièrement compatible avec ma vocation de ramener les gens au coeur des industries et organisations.
Les prototypes
Chaque équipe devait présenter un argumentaire éclair sur scène afin de présenter leur prototype. Le reste de la soirée était réservée à expérimenter les différents prototypes dans des kiosques réservés à cet effet. Chaque personne présente avait le droit de voter pour son prototype favori, qui serait le « projet coup de coeur » de la soirée. Voici une liste des prototypes présentés ce soir-là.
BiaslyAI
BiaslyAI est une application qui détecte et corrige les biais de genre implicites dans les textes de tous les jours. Les représentantes du projet expliquaient que le monde de l’IA montre déjà des biais de genre. Par exemple, lorsqu’il est question des métiers dans le monde de la coiffure et des soins infermiers, l’IA prend déjà pour acquis qu’ils seront comblés par les femmes, et le contraire pour le milieu de la construction ou de la mécanique.
Plusieurs choses peuvent expliquer ceci. Par exemple, le fait déjà connu du bas nombre de femmes en technologie peut avoit une influence, mais également les centaines de milliers de pages de documents et de données servant à nourir les IA peuvent être déjà biaisés, etc.
Cette application était probablement inspirée de Grammarly, un outil que j’utilise pour ma rédaction en anglais. L’exemple qui était montré sur l’écran au kiosque ressemblait approximativement à ceci :
« Faisons en sorte que le BBQ soit adapté aux familles pour les femmes venant avec leurs enfants »
L’application détectait le biais de genre, et proposait de remplacer « femmes » par « parents ».
MR-AI
Il s’agit d’une application pouvant servir au milieu médical, et qui est basée sur le fait qu’une IA ayant accès à des centaines de milliers d’images de résultats de résonnance magnétique peut éventuellement et facilement mettre de côté tout résultat ne comportant aucune anomalie en quelques fractions de seconde. Comme les jeunes femmes l’ont expliqué, il s’agit de laisser l’IA faire un « swipe left » sur ce qui est normal, et garder les résultats comportant des anomalies ou quoi que ce soit d’inquiétant pour les experts.
AEyeAlliance
Un prototype provenant d’un réel besoin. L’une de membres de ce groupe a été élevée avec une mère aveugle, et tout dans sa maison était idenfitié en braille, un langage qu’elle n’a jamais appris à maîtriser. Cette application permet, grâce à la caméra d’un téléphone, de traduire le braille vers du texte.
Mood Map
Ce prototype est basé sur le fait que 10% des gens, dont plusieurs se retrouvent dans le spectre de l’autisme, ne savent lire et reconnaître les émotions sur le visage de leurs interlocuteurs. Il s’agit d’une application vidéo qui détecte et affiche en direct l’émotion perçue sur le visage des gens filmés.
Au kiosque, nous avions pu voir l’application en action, simplement en mettant notre visage dans l’angle de la caméra d’un ordinateur portable. Une bulle suivant notre visage montrait l’émotion perçue qui se modifiait automatiquement si nous changions d’expression.
ShouldIEatThis?
Une application visant à aider les gens à s’approprier et à améliorer leur consommation alimentaire. Nous sommes de plus en plus habitués à lire et interpréter les tableaux d’information nutritionnelles sur les produits emballés. Mais qu’en est-il de la liste d’ingrédients? Très peu de gens peuvent interpréter et reconnaître les produits aux noms très scientifiques. Cette application permet de lire la liste d’ingrédients et détecte ceux étant plus malsains.
Par exemple, le sirop de riz brun ne dira peut-être pas grand chose à personne, mais il s’agit d’une source de sucre. Il en existe plein, et l’idée est de les faire connaître aux gens. L’application pourra également proposer des alternatifs plus intéressants parmis des produits semblables.
Energy4Good
L’une des membres de ce groupe étant originaire d’Orlando en Floride, elle a remarqué que dans une ville où le soleil brille 360 jours par année, l’énergie solaire n’était absolument pas mise à profit. Que ce soit parce qu’on en questionne l’efficacité, qu’on doute de sa rentabilité, il y a certainement intérêt à se pencher sur la question.
Energy4Good est un système qui se base sur notre situation géographique, notre budget, nos besoins en énergie, et les coûts matériels locaux pour estimer la rentabilité d’un système énergétique maison fonctionnant au solaire et à l’éolien.
AirLife
AirLife est un prototype utilisant les données historiques et météorologiques des villes afin de prédrire la qualité de l’air dans les villes. Les premiers essais ont été fait spécialement avec les données de la Chine, puisque la qualité de l’air y est souvent un enjeu.
Un certain pourcentage de la population meurt chaque année due à situations causées par la mauvaise qualité de l’air, cette application pourrait permettre aux gens de mieux planifier leurs sorties, spécialement lorsqu’elles ont des maladies respiratoires.
Bsafe
Les accidents incluant voitures et cyclistes font régulièrement parler à montréal, spécialement lorsque quelqu’un perd la vie, ce qui n’est malheureusement pas rare. L’application Bsafe souhaite grandement réduire le nombre d’accidents graves de la sorte en se basant sur les données historiques d’accidents et de densité de circulation.
Que nous circulions à vélo sur une piste cyclable ou dans un quartier résidentiel, certaines routes sont plus achalandées à certains moments de la journée, et peut être fréquentée, par exemple, par des camions, ou des véhicules plus lourds. À ce moment, Bsafe recommendera d’être plus attentif, ou même de prendre un chemin alternatif.
Distribution des prix
À la fin de la soirée, des prix ont été distribués :
2 équipes ont reçu le prix coup de coeur de Deepmind: le financement de l’entrée à deux conférences dans l’industrie IA : NIPS & WiML. Ces équipes étaient Energy4Good et MR-AI.
Quant au prix coup de coeur du public, il fut remporté par BiaslyAI. Il s’agissait d’une bourse de 500$ du Desjardins Lab.
Ce que j’en retire
Je crois que nous avons beaucoup d’efforts à faire encore pour être plus inclusif dans le milieu des technologies. Les femmes n’ont plus de preuves à faire dans ce domaine, mais il nous faura briser certains patterns. C’est une discussion que j’ai avec plusieurs membres de mon réseau, et qui est loin d’être terminée.
Quant aux prototypes qui ont été présentés, ils méritent tous d’être subventionnés et de prendre vie à un moment ou à un autre. Le plus tôt possible. Toutes ces idées ont beaucoup de valeur et il faut les mettre à profit pour le bien social dès maintenant. Pas demain.
Propriétaire de Primos Populi, partenaire et coach chez Moabi. En tant qu’ancien gestionnaire, je préconise l’approche “les gens d’abord, et le reste suivra”. Mes sujets de prédilection sont la culture organisationnelle, le droit à l’erreur et l’abaissement du centre de gravité du pouvoir décisionnel. Je cultive l’épanouissement des gens.