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Le change management, un emplâtre sur une jambe de bois ?

Ceci est un article de notre auteure invitée Cécile Roche, qui a généreusement accepté que nous le reprenions. L’article original a été publié sur son profil LinkedIn en date du 28 août 2018.

Je sais bien que cette expression est légèrement désuète, mais quand j’ai lu l’excellent post de Philippe Silberzahn « En finir avec la notion de résistance au changement » , c’est immédiatement ce qui m’est venu en tête.

Il y a des années qu’on essaie de me convaincre de « manager le changement ». Cela a commencé par un consultant, sans doute très sincère, qui avait ajouté un lot de « change management » à une proposition déjà fort coûteuse sur un des chantiers décidés par la Direction de l’époque. Déjà, le contenu de cette rubrique était resté pour moi assez fumeux. « Il faut accompagner les gens… c’est très important…». J’ai eu ensuite un collègue, Responsable du Change (oui oui…) qui venait régulièrement m’offrir ses services et à qui j’expliquais à chaque fois que non, merci, je n’ai pas besoin de change management, le changement est consubstantiel au Lean, puisqu’il s’agit avant tout d’apprendre à naviguer dans le brouillard et dans l’incertitude. J’ai ensuite vu moult « plans de change », essentiellement constitués d’un plan de formation et d’un plan de communication.

Et pourtant… l’expérience montre que tout cela coûte cher et ne sert pas à grand-chose.

Et plutôt que de s’interroger sur la façon de procéder, on accuse encore et toujours la fameuse « résistance au changement ». Les collaborateurs ne veulent pas bouger (les vilains !) et bloquent le système.

Bien entendu, personne n’aime changer. Changer veut dire abandonner des fonctionnements qui sont devenus « automatiques » pour réapprendre : ce n’est pas naturel chez la plupart des gens ! C’était mieux avant… Mais est-ce un plan de « change management » qui va convaincre ? Pour moi, c’est vraiment comme mettre un emplâtre sur une jambe de bois, c’est traiter le symptôme sans s’occuper de la source du problème.

Informer et former le personnel aux nécessités du changement part du postulat que certains savent (les penseurs) et que d’autres doivent faire (les exécutants), et donc que les uns vont communiquer et les autres être convaincus de faire (et subir !). Je pense que c’est une profonde erreur, pour de multiples raisons.

J’ai eu très récemment une discussion avec des responsables RH d’une grande entreprise, qui se demandaient comment accompagner les plans de transformation. « La Direction nous demande de mettre en place des plans de formation en vue d’une certification de tout le monde, mais quand les managers nous demandent pourquoi, nous n’avons pas d’autre réponse que… parce que la Direction l’a décidé ! »

Le meilleur management du changement, c’est de développer la pensée critique de l’ensemble des collaborateurs. C’est de partager avec tous le contexte, la vision, les hypothèses, et demander à chacun à son niveau comment participer. Les gens sont capables de comprendre les raisons pour lesquelles ils doivent changer, si on se donne la peine de le leur expliquer. Mais une écoute de leur point de vue amène un éclairage complètement différent sur une situation. Il ne s’agit pas bien entendu de rester paralysé par une recherche de consensus forcené, mais d’intégrer dès le début et en permanence les points de vue différents, en construisant la confiance, collectivement.

De plus, comme la stratégie et l’exécution sont étroitement imbriquées, puisque la réalité n’est jamais conforme aux schémas théoriques pensés « hors sol », il est fondamental de prendre en compte rapidement les apprentissages que la réalité de l’exécution nous offre pour revoir la stratégie. Le bon vieux schéma « objectifs, plans, pilotes, ajustements, déploiement » a fait son temps.

Le management du changement doit être une façon différente d’avancer et de transformer collectivement, pas une surcouche tardive de « com » pour briser les résistances.

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Le change management, un emplâtre sur une jambe de bois ?
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Quels sons les risques humains au changement? La gestion du changement telle qu'on la connaît est-elle idéale, souhaitable? Chose certaine, la transformation ne peut être une fin en soi.
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