Le taux de roulement est dépassé, je propose le taux d'émancipation

Le taux de roulement est dépassé, je propose le taux d’émancipation

J’ai récemment annoncé mon départ de mon ancien emploi. C’était un rôle de gestionnaire dans la meilleure compagnie pour laquelle je n’ai jamais travaillé.

Lorsqu’on m’a demandé (avec un peu trop de plaisir) de faire un discours, j’ai commencé par dire « Mon départ n’est pas une mauvaise nouvelle ». Et c’est vrai pour plusieurs raisons :

  • J’avais le sentiment que j’avais fait ce que j’avais à faire pour mon département. 
  • Je me sentais que j’apportais de moins en moins de valeur, ayant poussé l’autonomie de mes équipes à son paroxysme.
  • Mes projets parallèles à mon travail contribuaient davantage à ma motivation et à mon épanouissement. J’ai simplement décidé de me concentrer sur ce qui m’apportait le plus. 
  • Cet emploi a contribué à établir mon but et mon sens dans la vie. Il aurait été absolument contre productif de ne pas aller jusqu’au bout. 

Le fait d’avoir à expliquer cela m’a fait réfléchir… 

Mes problèmes avec le taux de roulement

Comme gestionnaire, je me targuais que notre département avait un excellent taux de roulement. Et mon départ allait l’augmenter. Pourtant mon départ, comme je l’ai dit devant mes collègues, était une bonne nouvelle. 

C’est à ce moment que la réflexion a commencé et j’ai découvert plusieurs problèmes avec le sempiternel taux de roulement. 

Le taux de roulement est réactif

C’est un peu le même problème que j’ai déjà dénoncé avec les entrevues de départ. Bien que le taux de roulement puisse être une métrique intéressante pour plusieurs, elle n’a que peu de sens sur une courte période de temps, et requiert le départ des gens pour « fonctionner ». 

Mais cette métrique n’apporte aucun contexte. Ce n’est qu’une observation après coup. 

Le taux de roulement suggère que le changement n’est pas le bienvenu

C’est bien connu : ce que l’on mesure est ce que l’on récolte. Dans ce cas-ci, on mesure le fait que les gens restent ou pas dans l’entreprise. Ce semble, à première vue, être la bonne chose. 

Ceci dit, est-ce que l’entreprise avance? Est-ce que les gens progressent dans leur travail? Les gens ont-ils eu des promotions? On ne le sait pas. Mais on sait combien de gens sont restés. 

On veut que les gens restent en poste. C’est l’objectif. Et cela m’amène à mon plus gros problème. 

Le taux de roulement n’assure en rien l’épanouissement des gens

Si l’objectif est que les gens restent en poste, que fait-on avec les gens qui sont misérables mais qui restent? Qui n’aiment pas leur travail? Qui ont des aspirations? On les attache à leur chaise et on croise les doigts?

Trop souvent, j’ai vu des entreprises garder les gens dans un rôle qui ne leur plaisait plus, ne souhaitant pas les perdre, et devinez ce qui est arrivé? Elles les ont perdus beaucoup plus vite. 

Pour moi, la stagnation signifie la mort. La mort de la motivation, la mort de l’épanouissement, et du développement personnel. Je suis le genre de personne dont le rôle évolue extrêmement rapidement. J’en ai besoin. Est-ce qu’une entreprise qui s’optimise pour avoir un bon taux de roulement peut m’aider dans mon cheminement? 

Ou alors, l’entreprise va-t-elle tenter de me garder dans un rôle qui ne me plait plus, en espérant que j’apporte autant de valeur?

Le taux de roulement est appelé à être non-pertinent

Je suis déjà resté 8 ans dans la même entreprise. Il y a 20 ans c’était monnaie courante, de nos jours, dans le domaine de l’informatique surtout, c’est presque impensable. Et la tendance se maintiendra, et s’étendra aux autres domaines.

Les gens sont de plus en plus en quête de sens dans leur travail, et sont maintenant prêts à bien des sacrifices pour s’accomplir au quotidien. Les relations de travail sont appelées à être plus courtes, ou alors sous un autre format. Des entreprises qui sont très bien (je ne parlerai même pas des entreprises aux moeurs douteuses) auront peut-être des taux de roulement de 60% dans quelques années, et ce sera choses courante

La question à se poser est : les gens quittent-ils à cause de nous les entreprises? Ou quittent-ils parce qu’ils n’ont plus besoin de nous, pour réaliser des choses plus grandes qu’ils ne pouvaient pas faire chez nous?

Lorsqu’on en sera là, je crois que le taux de roulement perdra toute sa pertinence. Les gens vont se développer, trouver leur sens et réaliser leurs rêves. Les questions que les entreprises devront se poser alors seront :

  • La personne qui part s’émanciper, le fait-elle malgré nous, ou avec nous?
  • Comment avons-nous contribué à l’émancipation de cette personne?
  • Sera-t-elle prête à nous référer des gens, ou même à trouver la personne qui pourrait la remplacer? Ou avons-nous nous-même cassé cette relation en essayant de la retenir ou de l’empêcher de réaliser ses rêves?

En résumé : Avons-nous créé un ambassadeur?

Je propose donc le taux d’émancipation

Le taux de roulement est dépassé, je propose le taux d'émancipation

Si je veux prétendre cultiver l’épanouissement des gens, je ne peux pas me contenter de garder les gens en poste. Je ne crois absolument pas que ce soit bénéfique. Les gens qui ont des aspirations professionnelles ne pourront pas tous se développer en restant dans leur rôle pour toujours.

N’est-ce pas notre travail, nous les entreprises et leurs représentants, de s’assurer que nos précieux collaborateurs progressent et s’épanouissent? Même si c’est malgré nous?

Les entreprises qui préfèrent avoir des employés misérables dans leur poste plutôt que les aider à se développer, quitte à ce qu’ils aillent travailler ailleurs, j’en connais une tonne et demie. Mais je refuse leur réalité. 

Je crois sincèrement qu’une personne heureuse ailleurs vaut mieux qu’une personne misérable chez qui reste en poste. 

Je crois sincèrement que c’est le devoir de tout gestionnaire et toute entreprise d’élever les gens au-delà de leur potentiel et de leurs motivation au risque de la voir partir. 

Mon récent départ va-t-il apporter une ombre sur la compagnie car elle augmente le taux de roulement? Je suis l’une de ces personnes qui a utilisé son rôle comme tremplin pour aller accomplir des choses importantes pour moi, pour les autres, et pour le monde du travail. Je parle encore de Marine Press en disant « Nous ». Je suis encore un ambassadeur pour cette entreprise, j’y réfère encore des candidats. C’est encore mon bébé. Je me suis auto-déclaré ambassadeur pour eux. 

Si je me compte parmi ceux qui étaient sous ma responsabilité, mon taux d’épanouissement est de 75%. 75% des gens de mon équipe qui ont volontairement quitté l’ont fait pour s’épanouir dans d’autres projets, et n’avaient plus besoin de l’entreprise pour cela. 

C’est, pour moi, une métrique bien plus intéressante. Elle indique que l’entreprise a fait sa part pour le bonheur et l’épanouissement au travail.

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Et si votre entreprise avait contribué à développer un employé de façon tellement fulgurante qu'elle vous quittait pour aller réaliser ses rêves? Ce départ comptera dans le taux de roulement, même si c'est une transition positive. Pour palier à ce problème, je propose le taux d'émancipation.
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2 thoughts on “Le taux de roulement est dépassé, je propose le taux d’émancipation

  1. Très juste comme réflexion !
    Je crois personellement que les entreprises gagnantes sont celles qui sont attentives aux aspirations de leurs employés. Cela peut être en leur proposant un tremplin à l’interne, ou bien en leur permettant de plonger en d’autres eaux. Attention toutefois aux employés stagnants, peut être sont ils malheureux mais n’ont pas l’audace ou les outils pour monter sur le tremplin, mais peut être sont ils tout simplement bien et tranquilement heureux.

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