Dans les communautés auxquelles je participe, je vois passer des questions autour de problématiques rencontrées au travail. Parfois, les réponses que je peux lire ressemblent à une espèce de “todolist” d’ateliers et de méthodes à appliquer coûte que coûte. Comme si c’était une équation simple: atelier abc = résultat xyz. Pas de questionnements, juste des listes.

Je doute pourtant que les auteurs de ces questions aient réellement besoin de réponses. Ne devrions-nous pas plutôt les aider à se poser les bonnes questions ? Pour moi, il est impossible de fournir une réponse toute faite à une problématique, si clairement exposée soit-elle.

Cela me fait penser à dire vrai à la différence entre une recette de cuisine lue dans un livre, et la même recette expliquée par ma grand-mère.

Bon, je ne suis pas objectif, car j’aime cuisiner et j’ai une affection sans borne pour ma grand-mère qui est une femme extraordinaire. Même si ses explications de recette me font repartir de sa cuisine avec plus de questions que de réponses. A tel point que dans nos moments de partage de recettes de cuisine, je dois illustrer mes notes de photos !

En fait, voici à quoi ressemble l’agilité dans certains livres de recettes :

Recette agile

1. Préchauffez le four Thermostat Scrum
2. Faire infuser 5 Pourquoi dans 210ml de ice breaker pendant 15 min.
3. Mélanger 47 g de speed boat, 8 g de remember the future et 5 CàS de health check.
4. Ajouter 54 ml de marshmallow challenge et mélanger tous les ingrédients.
5. Beurrer le moule de Spotify, fariner
6. Enfourner, cuire 5 sprints puis laisser refroidir.
7. Dégustez, vous êtes agile !

Et voici à quoi ressemblerait cette même agilité dans la cuisine de ma grand-mère :

L’agilité de ma grand-mère

1. Prépare le four pour qu’il soit bien chaud.
2. La température? Ca dépend de ton four, de la taille de ton plat et de ta préparation.
3. Tu peux ne pas préchauffer sinon, ce n’est pas important. Tu devras de toutes façon ajuster à la fin en fonction des choix que tu feras pendant le déroulé de ta recette alors ne te casse pas la tête à trop prévoir à l’avance.
4. Mélange les ingrédients ensemble. Lesquels ? La recette de base te dit de prendre tel ou tel ingrédient. Goûte-les. Avec lesquels et dans quelles proportions arriveras-tu au résultat le plus savoureux ?
5. Ajuste au fur et à mesure que tu les mélange, ils ne font pas tous la même taille ou n’ont pas la même quantité de jus puisqu’ils ne viennent pas du même endroit. Tu veux avoir le meilleur résultat en fonction de ce que tu as dans les mains, pas en fonction de ce que te dit la recette. Ce n’est pas grave si tu dévies du plan initial.
6. C’est le moment d’ajuster la température de ton four et de faire cuire ton plat. Combien de temps ? Il y a plusieurs façons de l’estimer en fonction de la taille du plat ou de ce qu’il contient. Tu peux même ne pas l’estimer du tout arrêter le four quand ça te semble cuit, il suffit de venir voir le résultat à intervalles réguliers. Pas trop longs les intervalles, tu ne veux pas non plus brûler ton plat !

Bon alors oui, c’est moins rassurant qu’un livre avec une série d’instructions à suivre aveuglément. Au lieu de m’abreuver de listes d’ingrédients au gramme près, de techniques aux noms alambiqués, lorsque je l’interroge sur telle ou telle recette, ma grand-mère me dit systématiquement de faire en fonction de mes goûts, et de ceux de mes invités. “A peu près un peu de ci, et un peu plus de ça”.

Elle m’explique pourquoi elle fait de telle ou telle manière. “Si tu mets du sel, ça fait fondre les tomates pour ton jus. La quantité de sel dépend de leur fermeté et du goût, à toi de trouver la bonne proportion, expérimente”. Elle me fait goûter tel ingrédient, m’explique ce que je peux obtenir en le mélangeant avec un autre, ce que l’on peut faire de nouveau. Et après, elle m’aide à faire ma recette.

Cela signifie aussi que je peux exécuter la “recette” autant de fois que je le souhaite, je n’aurai jamais véritablement le même produit à la sortie du four. Et c’est très bien comme ça !

A mon sens, mais ce n’est que mon opinion, l’amour de la cuisine et des bons produits ne se traduit pas par une parfaite application d’une recette toute faite, mais plutôt par l’appropriation des saveurs des ingrédients, de ce que permettent les techniques et méthodes que je ne dénigre pas, bien au contraire. Les essayer, les comprendre et nous les approprier nous permet d’aller plus loins.

C’est comme ça que l’on crée de nouvelles recettes, ou qu’on arrive à les adapter à nos invités. Qui sait, ils pourraient avoir des intolérances, ou plus simplement des préférences de goûts. Alors ils partent satisfaits. Ils ont retiré de la valeur de ce moment, de ce bon repas.

Dans le fond, je crois que de goûter à quelque chose d’unique et qui leur correspond, être rassasié, apportera plus de valeur à nos convives que la satisfaction d’avoir été servi d’une exécution si parfaite soit-elle de la recette xyz.

Et vous, quelle recette utilisez-vous ?