Tentative de réhumanisation du recrutement

Tentative de réhumanisation du recrutement

Cet article se veut le troisième et dernier d’une série de trois, concernant la tangente progressivement déshumanisante dans le recrutement. Première partie : Les outils déshumanisants du recrutement. Seconde partie : Les mentalités déshumanisantes du recrutement.

Ce n’est plus étranger à ma carrière de vivre des frustrations et des points de douleur et de les transformer en tremplins et en objectifs. La déshumanination du monde du recrutement heurte mes valeurs? Hé bien à moi de rendre le recrutement plus humain.

Dans mon rôle de gestionnaire, j’ai parfois besoin de recruter. Je dois avouer que c’est un art, et celui qui tient le pinceau a le contrôle entier sur le tableau. J’ai beau ne pas peindre souvent, je sais quand même quel tableau je n’ai pas envie d’avoir. Donc en premier lieu, j’ai eu besoin de m’acheter une toile neuve.

Voici comment nous avons entièrement repeint le concept recrutement dans mon département chez Marine Press.

Décentralisation du recrutement

Nous sommes une soixantaine dans l’entreprise, et le département RH est fièrement représentée par sa directrice, et c’est tout. Lorsque je lui ai offert de prendre en charge le recrutement de développeurs, c’est avec joie qu’elle m’a délégué cette responsabilité, m’assurant qu’elle serait là pour nous guider si le besoin s’en faisait sentir.

La première chose que j’ai fait, donc, a été de voir qui se porterait volontaire pour parciper au processus d’embauche. Quatre ou cinq développeurs ont levé la main. Certains voulaient aider à chercher et sélectionner les candidats, d’autres voulaient les passer en entrevue. Il faut mentionner que le niveau d’ownership de nos employés est très élevé, et qu’ils sont très impliqués dans la majorité des décisions qui se prennent dans notre département.

Nous avons créé un environnement où les gens se portent volontaires plutôt que de déléguer le travail. Comme les gens qui vivront avec l’impact d’une décision sont souvent mieux placés pour la prendre, ce sont les développeurs qui passeront les entrevues, et décideront du candidat à embaucher.

Je me suis enfermé dans une salle de travail avec les volontaires, et nous avons décortiqué ce qui était difficile ou problématique avec les méthodes que l’on utilisait par le passé :

  • Nous ne prenions en compte que les compétences technologiques des candidats
  • Les équipes ont aussi des besoins en savoir-être, pas seulement en savoir-faire, et ceux-ci étaient rarement comblés par les candidats
  • On essayait surtout de voir de quoi les candidats étaient capables, mais pas ce qu’ils avaient envie de faire
  • Les description de postes étaient très formelles et zombifiées, pas très chaleureuse
  • Les embauches étaient surtout faites par deux employés expérimentés (qu’on appellerait sans doute « senior » dans les organisations plus hiérarchisantes). Ça, on venait tout juste de le régler en prenant des volontaires parmis les développeurs

À la lumière de ces informations, nous avons pris plusieurs actions concrètes pour établir notre nouvelle approche plus humaine.

Les gens d’abord, la technolgie ensuite

Considération égale du savoir-être et du savoir-faire

C’est ce qui est ressorti le plus rapidement. Mes collègues ont établi que les connaissances techniques étaient importantes, mais que l’attitude était au moins également importante, et cela avait causé des problèmes par le passé, car ce que nous faisions ressemblait plus à une « liste de cases à cocher » de technologies.

Nous avons donc décidé de considérer l’attitude des candidats. Nous ne voulions pas seulement trouver des bons programmeurs, nous voulions trouver des collègues avec qui nous aurions envie de travailler 40 heures par semaine. La première chose, donc, a été de trouver quels traits de personnalité manquait à nos équipes de développement pour bien les compléter. On voulait des développeurs curieux, qui contribuent à la communauté de développement, qui peuvent s’approprier leur produit et faire le nécessaire sans qu’on ait besoin de leur demander. Parfait. Comment mettre cela de l’avant? À voir.

Une description de poste inspirante

Un exercice qui a été plutôt difficile, c’était aussi de créer une description de poste qui non seulement parlait de ce en quoi nous croyons dans notre département chez Marine Press, mais qui laissait aussi l’opportunité de comprendre que nous cherchions des collègues, pas des machine à coder.

J’ai procédé à la rédaction d’une première version durant un week-end, pour m’asseoir avec mes collègues et en recommencer la moitié avec eux le lundi matin. Après avoir appliqué certains conseils de gens ici et là, notre description de poste avait vraiment du coffre.

Son titre « Les gens d’abord, et le reste suivra » en dit long. Les premiers paragraphes parlent de ce en quoi nous croyons, nos principes fondamentaux qui mettent l’accent sur les gens. Nous parlons ensuite de la personne avec qui nous souhaitons travailler, suivi des responsabilités de base et d’une liste de haut niveau des compétences nécessaires, rien trop en détail. Le dernier paragraphe est « À propos de Marine Press ». Les gens d’abord, et la business suivra. Vous pouvez encore voir un exemple en-ligne sur le site de Marine Press.

Sélection des candidats : le CV insuffisant

La majorité de ces traits de personnalités n’apparaissent pas dans les CV. Nous avons dû enquêter beaucoup plus sur les gens, voir leur profil LinkedIn, regarder s’ils ont un compte GitHub, s’ils contribuent dans StackOverflow etc. Et parfois, on ne trouvait rien, et il fallait appeler les gens.

Et c’est cette partie qui fut la plus difficile à mettre en action : au nombre de CV que nous recevions, j’aurais fait cela à temps plein pendant des mois, ce que je ne puis me permettre. Nous avons quand même dû faire un tri, basé sur ce que nous connaissions dans le CV ou LinkedIn. Ce qui ne me plait pas, et je cherche encore la solution à cela. Mais je ne perds pas espoir.

Miser sur les aspirations

Chez Marine Press, les squads sont auto-organisées. Nous avions besoin d’augmenter notre force de frappe. Nous n’avons pas du tout utilisé l’approche « caisse de bière » dont je parle dans mon article précédent. Nous avons décidé de ne pas biaiser le choix en fonction d’une squad en particulier. Tout le monde peut trouver sa place dans notre département, donc nous avons gardé le cap sur cette mentalité : « Nous cherchons de bons développeurs, et nous verrons dans quelle squad ils apporteront le plus de valeur ».

Cela m’a donc empêché de dire « On a un poste pour vous, rentrez-vous dans le moule? », mais plutôt « On cherche des développeurs, qu’est-ce que vous avez envie de faire? ».

Au final, il s’est adonné que les candidats trouvés câdraient très bien avec la nouvelle squad que nous avons créé, et c’est là qu’ils ont commencé une fois embauchés.

Les retombées de notre (ré)humanisation

Une chose que je trouve souvent très hypocrite chez les entreprise, c’est qu’elles semble se soucier beaucoup des gens sur le marché lorsqu’elles ont un poste ouvert, mais lorsqu’il n’y en a pas « désolé, nous n’embauchons pas ». L’intérêt disparait soudainement.

Je crois qu’il faille renverser cette tendance immédiatement, et c’est pour cela que je reste ouvert à rencontrer des développeurs tout au long de l’année, peu importe s’il y a des postes ouverts ou non. Le seul problème : les candidats n’en sont pas tous exactement là. Ils ne prennent pas contact avec nous à moins qu’il y ait un poste ouvert.

Cependant, l’une des retombées à long terme de ce changement de processus d’embauche : les candidats à qui nous avons parlé, et que nous interviewés, qu’ils aient été embauchés ou non, ont commencé à nous référer des gens.

L’un des nouveaux employés a trouvé le processus d’embauche tellement intéressant qu’il parle de nous à ses anciens collègues, avec qui je me fais un plaisir d’aller prendre un café, même lorsque tous les postes sont comblés. Cela crée de très belles relations, et je sais que si l’occasion se montre le bout du nez, j’aurai déjà 3-4 personnes à appeler. Et sinon, je leur offre même de les aider à se trouver un emploi, s’ils sont en recherche active. C’est cela que signifie le principe « Make People Awesome » de Modern Agile.

Récolter le fruit de notre labeur

La semaine dernière, j’ai eue une belle surprise. En février dernier, un candidat était très malade et n’avait pas pu remettre son test technique selon la date qu’il s’était fixée. Il prenait pour acquis que c’était perdu d’avance. Je lui ai écrit à deux ou trois reprises pour voir comment il allait, et je lui ai dit « Lorsque tu te sens mieux, envoie-nous le résultat de ton test. On regarde tous les tests ». Il était complètement ébahi de cette réponse, nous a envoyé le résultat de son test, et nous l’avons passé en entrevue. Il n’a pas été sélectionné, mais il a tellement adoré l’humanité de notre processus qu’il m’a référé un de ses collègues la semaine dernière, avec qui j’ai eue une longue discussion.

C’est dans des petits moments comme ça que je réussi à me dire « Ça a été beaucoup de travail, mais on fait la différence pour quelqu’un ».

Nous avons créé un ambassadeur de Marine Press rien qu’en le passant en entrevue. 

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Tentative de réhumanisation du recrutement
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Tentative de réhumanisation du recrutement
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Dernier article d'une série de trois sur la déshumanisation du recrutement, racontant une tentative de réhumanisation du processus d'embauche.
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