Le secret pour s’habituer à tout

Le secret pour s’habituer à tout

Vous connaissez certainement cette légende urbaine de la grenouille qu’on fait bouillir à petit feu et qui ne se rend compte de rien tant la montée en température est lente.

Cette expérience à été faite à la fin du 19e siècle, et le plus gros de la littérature sur le sujet que j’ai pu trouver est en allemand (Goltz en 1869, Heinzmann en 1872, Foster en 1873 ou encore Fratscher en 1875). Vous pardonnerez alors quelques approximations, je maîtrise plus Molière que Goethe!

La puissance de la légende

On trouve beaucoup d’articles qui font le parallèle super évident que vous voyez certainement venir gros comme une maison en lisant ces lignes : Si un changement est aussi graduel que lent, vous ne vous en apercevrez pas et ne réagirez pas. La conclusion inévitable est alors de vous éveiller à votre environnement. Courage, fuyez!

Le secret pour s’habituer à tout

« Si une grenouille peut être écrasée ou bouillie sans aucune preuve qu’elle ne l’ait remarquée, c’est au moins une question intéressante de ce qui peut être accompli dans cette direction avec des êtres humains. »

The New Psychology, Edward Wheeler Scripture (1897)

Ce qu’on vous raconte moins en revanche, c’est que cette légende urbaine est basée sur une conclusion un peu hâtive. La température de l’eau initialement froide dans cette expérience était augmentée de 0,002 degrés par seconde pendant 2h30, durée au bout de laquelle la grenouille fut trouvée morte. Cela donne une augmentation de température de 18 degrés, qui selon les paramètres de l’expérience ne permet pas d’atteindre la température de mort par chaleur des grenouilles (40 degrés).

Si vous vous inquiétez autant que moi pour cette adorable grenouille sacrifiée sur l’autel des métaphores, vous allez devoir me tenir compagnie dans mon ignorance: je ne sais pas ce qui a causé véritablement sa mort, car je n’ai pas trouvé de source fiable pour en parler.

On ne nous dit pas tout

Ce que j’ai trouvé en revanche, c’est un paramètre souvent laissé de côté mais qui semble pourtant être le plus intéressant de cette histoire: la condition de la pauvre grenouille. En effet, Heinzman trouvait que les grenouilles étaient difficiles à manipuler, alors il a utilisé des grenouilles décérébrée comme deuxième population de test. Les grenouilles bien-portantes, elles, s’enfuyaient assez rapidement (Hall, G.S., and Y. Motora, 1887: “Dermal Sensitiveness to Gradual Pressure Changes”).

Le secret pour s’habituer à tout

Mais alors, que dire des précédentes conclusions pourtant pleines de sens? Je me permet humblement de les qualifier d’incomplètes.

Certes il est vrai que lorsqu’on est soumis à des pressions ou brûlure imperceptibles, on a tendance à ne pas réagir. Après tout, ce n’est rien, pourquoi se battre? Oui, c’est vrai. Enfin… presque. Ces petites piques du quotidien, petits désagréments, il m’est difficile d’imaginer quelqu’un de bien portant ne pas réagir. Mais genre pas du tout. Même pas ne serait-ce qu’un petit acte de défense, une réponse quelconque.

Mais alors, où est le problème?

Souvenez-vous de l’expérience: étaient comparées deux grenouilles, l’une bien portante et l’autre décérébrée. Le vrai combat est ici.

Le secret pour s’habituer à tout

Nous ne sommes pas simplement habitués à notre environnement. Nous n’avons juste pas été progressivement et doucement mis dans un bain de pression et d’insécurité. Ca serait trop simple. Nous avons d’abord été décérébrés, ce n’est qu’ensuite que la température a pu être montée sans réaction.

« T’occupes, je vais le faire”. “Es-tu sûr(e) que c’est bien dans ta cours?”. “Je préfères que tu te charge de mettre au propre”. “Non, je ne t’ai pas invité à la discussion, tu vas y perdre ton temps”. “Au fait tu as rédigé le compte rendu du meeting?”. Ca vous rappelle quelque chose? Ce sont de petites phrases du quotidien qui visent à réduire leur destinataire à une état de simple ressource (même ce mot est lourd de sens). Une fois que votre confiance en vous, votre estime, la vision que vous avez de votre valeur est bien démolie, il devient alors aisé de vous habituer petit à petit à de mauvaises pratiques ou à des requêtes inappropriées. Vous devenez cette grenouille qu’on a fait bouillir, craquer sous la pression.

Minute, papillon!

Ne partez pas si vite, vous ne vous en sortirez pas si facilement en rejetant la faute sur les autres! Souvenez-vous, je parle bien au début de ce billet d’une grenouille décérébrée. Et si nous pouvons être la victime d’un environnement abusif et toxique, il est aussi de notre responsabilité de garder un oeil critique sur celui-ci. Mon propos n’est pas, comme tous ces très bons articles sur la légende de la grenouille, qu’il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard. Non, je veux chercher le problème à sa source.

Le secret pour s’habituer à tout

L’analogie est simple: si nous ne sommes pas décérébrés, alors nous resterons attentifs à notre environnement. Peu importe la vitesse à laquelle la pression monte. Mais alors, comment garder ses facultés cérébrales?

En se challengeant soi-même. En sortant de sa zone de confort. Le fait de se remettre en cause, d’aller chercher des avis chez nos pairs, de discuter, de participer à une communauté de pratique… Toutes ces choses entraînent notre esprit à exercer un regard objectif et clair sur ce qui nous entoure.

Et surtout, lorsque vous aurez fait la lumière sur la réalité qui vous entoure, vous pourrez soit y apporter les changements nécessaires, soit aider ceux qui sont en train de se faire cuire à point.

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Le secret pour s'habituer à tout
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Créer une habitude est difficile, cela demande de la répétition, de la rigueur, de la discipline. Vraiment? Vous, moi, nous le faisons pourtant tous avec une facilité déconcertante tous les jours.
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